jeudi 9 juillet 2020

Prier au temps du coronavirus

Le confinement à cause du coronavirus a été un révélateur de nos comportements, en particulier dans notre réflexion spirituelle. Comment s’étonner que notre impuissance réveille les peurs et les angoisses de toujours, le besoin de consolation, de protection et de sécurité, d’espérance contre toute espérance ? De plein fouet nous étions confrontés à la question du rôle que Dieu joue là-dedans et du sens de notre prière. Et nous avons constaté toute une palette de réactions. Il est difficile de résister au réflexe païen du Dieu utilitaire, du Dieu tout puissant et magicien qui d'un claquement des doigts arrive à régler tous les problèmes.
Certains le pensaient. On bénissait la ville avec l’ostensoir, on organisait des neuvaines, on invoquait tel ou tel saint qui était « efficace » lors de la peste. Est aussi remontée à la surface la théologie de la rétribution qui dit que si on est arrivé là, c’est qu’il y a eu faute, qui mérite punition, ce qui conduit à la dénonciation d’un coupable, bouc émissaire qui doit être éliminé. Si on avait cette conception de Dieu, ne pourrait-on pas lui reprocher de ne pas intervenir avant qu'on ne le lui demande ? Mais on pourrait aussi penser au Dieu pervers tel que le décrit Maurice Bellet.
Et nous nous sommes déjà posé la question : « Que faisait Dieu à Auschwitz ? » Elie Wiesel dans son livre La Nuit, raconte que lorsque le petit pipel qu’on a pendu, après une très longue agonie mourut, un homme demanda : Où est donc Dieu ? Et il sentait en lui une voix qui disait « Le voici, il est pendu ici, à cette potence » Le philosophe juif Hans Jonas dit que si Dieu n’est pas intervenu durant les atrocités de l’Holocauste, ce n’est pas qu’il ne le voulait pas mais qu’il ne le pouvait pas, sauf à en faire une divinité monstrueuse qui consentirait, de plein gré, au martyre de ses créatures innocentes. Etty Hillesum, victime elle-même de la Shoah, va jusqu’à dire que c’est l’homme qui peut aider Dieu.
Job aussi était d’abord confronté au silence de Dieu. Mais il a compris que gémir, pleurer, prier, ce n’est pas lâche, que les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées, lui qui, à travers tous ses malheurs est un homme d’espérance. Son espérance, c’est de tenir quand même. Il attend que justice soit faite, parce que ce n’est pas juste, ce qui lui arrive ; il attend d’être compris, soulagé, soigné, guéri, ramené à la vie, à la santé, à la dignité ; il attend surtout d’être entendu et pas par n’importe qui, par Dieu lui-même. Et, à la fin, sa ténacité est récompensée : Dieu se montre, Dieu lui parle.
Nous évoquons facilement l’importance de la prière et son efficacité. Que cette période du coronavirus nous donne l’occasion de nous poser les questions : pourquoi prions-nous, comment prions-nous, comment pouvons-nous rejoindre Dieu dans son humilité et son impuissance ?
Georges Heichelbech