Certains
le pensaient. On bénissait la ville avec l’ostensoir, on organisait des
neuvaines, on invoquait tel ou tel saint qui était « efficace » lors
de la peste. Est aussi remontée à la surface la théologie de la rétribution qui
dit que si on est arrivé là, c’est qu’il y a eu faute, qui mérite punition, ce
qui conduit à la dénonciation d’un coupable, bouc émissaire qui doit être
éliminé. Si on avait cette conception de Dieu, ne pourrait-on pas lui reprocher
de ne pas intervenir avant qu'on ne le lui demande ? Mais on pourrait aussi
penser au Dieu pervers tel que le décrit Maurice Bellet.
Et
nous nous sommes déjà posé la question : « Que faisait Dieu à
Auschwitz ? » Elie Wiesel dans son livre La Nuit, raconte que lorsque le
petit pipel qu’on a pendu, après une très longue agonie mourut, un homme
demanda : Où est donc Dieu ? Et il sentait en lui une voix qui disait
« Le voici, il est pendu ici, à cette potence » Le philosophe juif
Hans Jonas dit que si Dieu n’est pas intervenu durant les atrocités de
l’Holocauste, ce n’est pas qu’il ne le voulait pas mais qu’il ne le pouvait
pas, sauf à en faire une divinité monstrueuse qui consentirait, de plein gré,
au martyre de ses créatures innocentes. Etty Hillesum, victime elle-même de la
Shoah, va jusqu’à dire que c’est l’homme qui peut aider Dieu.
Job
aussi était d’abord confronté au silence de Dieu. Mais il a compris que gémir,
pleurer, prier, ce n’est pas lâche, que les pensées de Dieu ne sont pas nos
pensées, lui qui, à travers tous ses malheurs est un homme d’espérance. Son
espérance, c’est de tenir quand même. Il attend que justice soit faite, parce
que ce n’est pas juste, ce qui lui arrive ; il attend d’être compris, soulagé,
soigné, guéri, ramené à la vie, à la santé, à la dignité ; il attend surtout
d’être entendu et pas par n’importe qui, par Dieu lui-même. Et, à la fin, sa
ténacité est récompensée : Dieu se montre, Dieu lui parle.
Nous
évoquons facilement l’importance de la prière et son efficacité. Que cette
période du coronavirus nous donne l’occasion de nous poser les questions :
pourquoi prions-nous, comment prions-nous, comment pouvons-nous rejoindre Dieu
dans son humilité et son impuissance ?
Georges
Heichelbech