« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. »
« La question de Pierre à
Jésus : “Combien de fois dois-je pardonner à mon frère ?” (Mat
18, 21)
est devenue une question d’actualité publique sous la pression tragique de
l’histoire. Peut-on promouvoir la réconciliation des personnes et des groupes
sans favoriser l’oubli des crimes ? …
Le pardon des offenses et l’amour des ennemis sont parmi les points les plus
caractéristiques de l’enseignement de Jésus ; ils se signalent l’un et
l’autre par leur radicalité. Mais ils sont, l’un et l’autre, un acte tout
gratuit, qui ne donne aucune assurance qu’un autre en usera pareillement à
notre égard… Quiconque fait l’expérience du don accède au royaume de la
gratuité et découvre que c’est elle, et elle seule, qui accomplit la perfection
des relations humaines, la perfection de la liberté libérée de ses entraves.
La liberté se prend en se donnant. Personne n’est vraiment libre,
vraiment humain, tant qu’il fait d’un autre son esclave en le soumettant à la
violence de son droit, tandis que l’acte de gratuité du don est l’expérience
d’un enrichissement en humanité. Les chances que le pardon l’emporte sur la
violence, c’est la contagion de la liberté. La force du droit est à elle seule
incapable d’éradiquer la violence puisqu’elle en fait usage ; seule peut
la désarmer la renonciation de l’offensé à son droit… Utopie ? Sans
doute, les paraboles du Royaume sont utopiques comme l’est le Royaume. Mais
l’utopie n’est pas dépourvue d’efficacité, car elle agit puissamment sur le
cœur des humains. Encore faut-il qu’elle ait une inscription dans les réalités
de l’histoire. La puissance des paroles de Jésus sur les hommes, c’est de leur
proposer un exemple à imiter, celui de “votre Père qui est aux cieux, car il
fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur
les justes et les injustes” » (Mat 5, 45).
Joseph Moingt