Parodiant le titre d’un film célèbre, Bernard Fauconnier et Michel Bouvard livrent par ce cri leur conviction viscérale, qui élargit le spectre de l’analyse de la situation politique actuelle à la défense d’une valeur fondamentale pour notre société et, au-delà, pour notre humanité.
Liberté,
égalité, fraternité ! Les trois valeurs de notre république, affichées partout,
nous rappellent le cadre dans lequel doivent se situer l’action politique et,
plus généralement, l’ensemble de interactions entre les citoyens. Être citoyen
français, c’est vivre et défendre ces trois valeurs, c’est faire les choix qui
développent leur imprégnation dans la vie sociale.
Les combats
pour la liberté et pour l’égalité sont nombreux. Mais la fraternité tient peu
de place dans l’espace publique : rares sont les leaders politiques ou sociaux
qui s’y réfèrent ; plus rares encore ceux qu’elle guide dans leurs choix et
actions.
Pourtant, la
fraternité peut refonder la société française d’aujourd’hui car elle est façon
de considérer l’autre, de le reconnaître, au-delà des différences d’idées,
d’engagements, comme un égal en droit, un semblable en humanité, un autre riche
de ses différences : un concitoyen.
Elle ne
divise pas la société en classes, corporations, groupes d’intérêts communs,
communautés ou « clientèles ». Au contraire, elle la réunit dans la recherche
du bien commun, dans la lutte contre les inégalités et pour les libertés, avec
le souci du plus faible. Elle cherche à établir les priorités et tient compte
des moyens communs disponibles ou mobilisables.
Certes, elle
a été présente dans un grand nombre de systèmes de partage, impôts, retraite,
Sécurité Sociale, qui ont été construits par le Conseil National de le
Résistance, dans ce moment de fraternité que fut la Libération en 1945. Mais
guide-t-elle encore, aujourd’hui, tous nos choix politiques ?
Les citoyens
perçoivent cruellement que la recherche de l’intérêt général n’est plus la
priorité ; postures, rhétoriques figées, ambitions personnelles, intérêts de
catégories sociales, intérêts financiers spéculatifs, peurs, etc. volent
souvent ce premier rôle. Les citoyens se désespèrent, ils ne se sentent plus
concitoyens, et ne cherchent plus à faire société commune.
C’est un
immense danger pour notre société qui sent qu’il n’y a ni liberté, ni égalité
sans fraternité : sans elle, république et communauté nationale se meurent.
Ce désespoir
pousse à la force plus qu’à l’entente ; à écouter les solutions simplistes, à
chercher des boucs émissaires, à croire les discours fondés sur le rejet du
différent. Il fait tourner le dos à la fraternité !
Sur ce sujet,
le silence des hommes politiques met en miette l’unité nationale. Ils parlent à
des catégories d’électeurs, à des clientèles qu’ils cherchent à séduire.
L’homme
politique a pour rôle de proposer un avenir commun et possible aux Français.
C’est perversion que de servir à des groupes d’électeurs ce qu’ils ont envie
d’entendre (puis de ne pas tenir les promesses…) Les populismes sont
destructeurs de fraternité. C’est dans l’analyse de la façon dont s’y incarnent
nos trois valeurs fondamentales que se doit écouter la société française.
Il est urgent
de remettre la fraternité au cœur de nos politiques, de nos vies quotidiennes.
Et gare aux fausses pistes ! Notre société est faite de diversités : classes
sociales, groupes d’intérêts communs, communautés, religions, cultures, etc.
L’avenir ne changera pas ce fait. Mais la fraternité peut les réunir en
société. Il est absurde d’espérer retisser les liens citoyens en réduisant
cette diversité : nos chances de succès sont nulles ; refuser les différences,
c’est renier nos valeurs, nier notre propre humanité.
·
Il existe bien sûr de vraies pistes pour
remettre la fraternité au cœur de la vie. En voici quelques-unes :
·
Proclamons inlassablement les bienfaits de nos
valeurs fondamentales : liberté, égalité, fraternité. Mettons en lumière les
droits de l’homme, l’égalité des droits et devoirs des citoyens, hommes et
femmes, la laïcité, la civilité, etc. Enseignons-les tout au long des parcours
scolaires et des processus d’immigration, de naturalisation. Imprégnons-en tous
les discours politiques. Faisons-les respecter rigoureusement, partout, avec
rigueur et respect des droits.
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Développons l’esprit critique et de discernement
de nos concitoyens, dès le plus jeune âge. C’est la mission essentielle de
notre Éducation Nationale. Dans une société baignée du bruit des forces de «
communication », il est nécessaire que chacun discerne les intérêts
particuliers qui animent ces flux séducteurs visant à faire de nous des moutons
et non des citoyens.
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Développons le sens civique et la civilité des
comportements, le sens de l’écoute, du respect de l’autre, notamment du plus
faible.
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Développons l’aptitude à exprimer sa pensée, à
l’affiner : la maîtrise de la langue commune est une arme essentielle contre
les violences.
·
Faisons de la fraternité le socle de tous les
choix politiques.
La fraternité
est plus qu’une invention de notre république. Elle ne lui est ni propre, ni
réservée. Elle est la voie de survie de l’Europe, de l’humanité, elle doit
guider et inspirer toutes les nations, tous les organismes internationaux ;
tous les hommes aussi. Sans fraternité, notre planète est invivable et se
meurt.
Nous ne
sommes pas les premiers à le dire… Mais crions-le encore, et encore, et encore,
bordel !
Bernard
Fauconnier et Michel Bouvard